On s’imagine parfois que la généalogie, c’est juste déterrer des noms et des dates pour coller de petites étiquettes sur un arbre. Erreur ! À l’ère du numérique, notre passion se heurte (amicalement, la plupart du temps) à des géants du droit et de l’éthique. Préparez-vous à une petite divagation sur les méandres de la généalogie numérique, entre RGPD, droits d’auteur et les surprises des tests ADN. Alors, avant de publier la photo de votre arrière-grand-oncle en mini slip de bain ou de révéler que Tante Germaine avait un penchant addictif pour le jeu, faisons le point.
La Confidentialité des Données Personnelles en Généalogie Numérique : Le Grand Secret ?
Ah, la confidentialité ! Un mot qui fait trembler les internautes et qui donne des sueurs froides aux plateformes. En généalogie, c’est un peu le “Ne pas déranger” sur la porte de la chambre de nos aïeux… sauf que certains sont encore bien vivants !
Le RGPD et son impact sur les arbres généalogiques en ligne
Alors, le RGPD… Ce fameux Règlement Général sur la Protection des Données. En gros, c’est un peu le shérif de la donnée personnelle en Europe depuis 2018. Il est là pour s’assurer que nos informations ne se baladent pas n’importe comment. Et oui, ça concerne aussi nos arbres généalogiques en ligne, surtout si vous avez la mauvaise idée de publier des infos sur votre petit cousin encore en vie et qui n’a rien demandé !
Imaginez un peu : une date de naissance, un numéro de teléphone portable, un lieu de résidence, une profession… Tout ça, pour le RGPD, c’est de la donnée personnelle. Et si vous publiez votre arbre sur Geneanet, Filae ou autre, et que votre arbre est public, ces plateformes sont considérées comme des “responsables de traitement”. Elles doivent donc être en conformité, et nous, en tant qu’utilisateurs, on a notre rôle à jouer.
Certes, le RGPD a une petite clause qui dit qu’il ne s’applique pas aux activités “purement personnelles ou domestiques”. Mais un arbre en ligne, accessible à la terre entière, c’est comme organiser une fête de famille sur la place publique : on sort du cadre privé !
Concrètement, qu’est-ce qu’on retient ?
– Consentement, s’il vous plaît ! Avant de balancer les infos de Tatie Danielle ou de Papy Robert qui sont encore de ce monde, demandez leur autorisation. Un petit coup de fil, un email, un signe de tête… Juste pour être sûr. La plupart des plateformes de généalogie sont bien faites et proposent d’ailleurs des options pour masquer automatiquement les informations des personnes vivantes. C’est simple et ça évite les ennuis ! Je précise que c’est à vous de vérifier régulièrement que cela fonctionne bien…
– La “minimisation des données” : Ne partagez que ce qui est vraiment nécessaire. Pas besoin de publier l’intégralité du casier judiciaire de votre grand-père (s’il était un peu “turbulent”), sauf si c’est hyper pertinent pour votre recherche (on en doute) et que vous avez des consentements (ou ceux des descendants).
– Les droits des personnes vivantes : Elles peuvent demander à voir, corriger ou supprimer leurs données. Imaginez : votre cousine découvre votre arbre et vous demande de retirer sa date de naissance. Elle en a le droit !
Et nos amis suisses dans tout ça ? La Suisse, ce petit pays au milieu de l’Europe, ne fait pas partie de l’UE. Mais elle n’est pas en reste ! Sa propre Loi fédérale sur la protection des données (LPD) ressemble beaucoup à notre cher RGPD. Donc, si vous êtes un généalogiste helvète, les mêmes réflexes de prudence sont de mise pour les données des personnes vivantes. Le secret bancaire, oui, mais les secrets des données personnelles, c’est aussi important !
La diffusion d'informations sensibles
“Bon, le RGPD, c’est pour les vivants. Mais pour les morts, on peut tout dire, non ?” Pas si vite, Sherlock ! Même si le RGPD ne s’applique plus aux défunts (heureusement pour nos ancêtres, sinon leurs squelettes frémiraient encore !), l’éthique, elle, reste bien vivante. Le respect de la mémoire et la sensibilité des descendants, ça compte.
Imaginez que vous tombiez sur un acte de décès mentionnant que votre aïeul est décédé “dans un accès de démence” ou qu’il était indigent, c’est à dire réduit à une grande pauvreté. C’est historique, certes. Mais le publier en gras et en rouge sur votre arbre sans nuance, c’est un peu comme crier des secrets de famille sur la place du village.
Quelques exemples de données qui peuvent piquer :
– Les circonstances de décès un peu gores : Si Papy Eugène a été emporté par un accident de charrette après un verre de trop, c’est une info, mais la rendre publique peut être rude pour la descendance actuelle.
– Les informations de santé détaillées : Si votre ancêtre souffrait d’une maladie honteuse à l’époque, faut-il le clamer sur tous les toits ?
– Le statut social ou juridique passé : Un ancêtre escroc ou condamné, c’est du vécu. Mais le contexte est roi. L’humiliation d’il y a deux siècles peut encore résonner chez des descendants sensibles.
La règle d’or ? Posons-nous la question : “Cette information apporte-t-elle une vraie valeur à ma recherche généalogique ou est-ce que ça risque juste de froisser les susceptibilités ?” Souvent, un petit mot d’explication ou une discrétion relative peut faire toute la différence.

Vue aérienne de l’asile de Bron, construit à partir de 1869.
Exemple concret : Un arbre généalogique public sur Geneanet et les informations potentiellement sensibles
Pour illustrer, imaginons une balade sur une plateforme de généalogie en ligne, et on tombe sur une fiche.
Nom : DUPONT, Jean-Baptiste Dates : Né le 12/03/1845 à Mâcon, décédé le 05/09/1910 à l’asile d’aliénés de Bron. Cause du décès : de mélancolie. Gloups ! Ça interpelle, non ? Historiquement, c’est une information. Et les causes de décès sont rarement citées. On a là un cas exceptionnel. Mais imaginez un descendant lointain découvrant ça… La “mélancolie” était souvent un terme pudique pour des problèmes psychiatriques graves, et les asiles du 19e, c’était encore plus dur qu’aujourd’hui. Même si c’est véridique, sa mise en lumière publique peut être perçue comme un manque de délicatesse, et également un petit coup de griffe sur l’honneur familial.
Heureusement, les plateformes nous donnent des outils pour être de bons généalogistes éthiques. On peut masquer des informations spécifiques, ou rendre des branches entières privées. On montre ce qu’on veut, sans choquer personne !
Les droits d'auteur et la reproduction d'images d'archives : télécharger ne rends pas libre !
Vous avez passé des heures à fouiller les archives départementales, vous avez photographié des dizaines d’actes magnifiques. Fier de votre butin, vous voulez tout partager en ligne ! Mais attention, là encore, le monde merveilleux des droits d’auteur veille. Scanner un document ne vous en donne pas la propriété intellectuelle !
Le statut des images d'archives publiques et privées
On distingue généralement deux types d’archives :
– Les archives publiques : Ce sont celles de l’État, des régions, des communes. En France, c’est le Code du patrimoine qui fait la loi. En Belgique, c’est similaire. En Suisse, chaque canton a sa petite tambouille législative. La bonne nouvelle, c’est que la consultation et la reproduction pour un usage personnel sont souvent autorisées. La mauvaise nouvelle, c’est que si vous voulez en faire des posters pour votre salon ou les publier dans un livre qui va vous rendre millionnaire, il faut souvent passer par la case “autorisation” et parfois, “redevances” (comprenez : payer !).
– Les archives privées : Celles-ci appartiennent à des particuliers, des associations, des entreprises. Là, c’est le propriétaire qui décide. Il faut le contacter pour avoir le droit de les utiliser. Pas de passe-droit, même si votre arrière-arrière-grand-mère est sur la photo ! Il peut être nécessaire de payer le droit de reproduction…
Les conditions de réutilisation et de partage en ligne
Un acte de mariage de 1789 est tombé dans le domaine public, c’est sûr. Mais l’image numérique de cet acte, elle, a été créée par quelqu’un ! L’institution qui a fait le travail de numérisation peut avoir ses propres règles.
Quelques points à garder en tête (et à ne pas zapper !) :
– La mention de la source : C’est le minimum syndical, et c’est aussi une question de respect pour le travail des archivistes. “Archives Départementales de la Haute-Garonne, Registres paroissiaux, BMS, 1789, vue 14/30.” C’est simple et efficace.
– Usage “perso” vs. “commercial” : Publier une image sur votre arbre Geneatique.Net personnel, c’est rarement un souci. Mais si vous voulez l’intégrer dans un livre que vous vendez, ou sur un site web avec de la pub, il faut souvent un feu vert explicite et parfois… sortir le chéquier !
– Les Licences Creative Commons (CC) : Ce sont des licences “tout public” qui disent clairement ce que vous avez le droit de faire. C’est un peu le mode d’emploi de l’image. Si vous voyez “CC BY-NC-SA”, ça signifie “Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions”. Facile, non ? Il faut juste prendre le temps de lire !
Exemple concret en France : Les conditions de réutilisation des images des Archives Nationales
Prenons un exemple concret avec les Archives Nationales de France, un véritable trésor pour les généalogistes ! Leurs mentions légales sont très claires : “S’agissant des informations publiques, le réutilisateur dispose d’un droit non exclusif et gratuit de libre « réutilisation » à des fins commerciales ou non, dans le monde entier et pour une durée illimitée, à condition que ces informations soient librement communicables au sens de l’article L.213-1 du Code du patrimoine…”
Traduction pour les non-juristes (comme moi) :
Vous pouvez partager et adapter : Vous pouvez télécharger l’image, la modifier (pour la rendre plus lisible, par exemple), la mettre sur votre site ou dans votre base de données généalogique.
Mais il faut les citer : Créez un lien vers la licence et dites que ça vient des Archives Nationales. Simple, non ?
Le commerce est possible, en suivant les mêmes règles de transparence des sources, et vous devrez envoyer un exemplaire physique du travail réalisé à leur adresse postale. C’est encourageant !
Donc, pour votre arbre généalogique personnel, c’est open bar (dans le respect des règles citées). Pour un livre vendu en librairie, une super vérification des légendes de vos illustrations et un envoi d’un exemplaire aux Archives Nationales s’impose. Mieux vaut prévenir que guérir, et éviter les avocats !

L'Éthique des Tests ADN en Généalogie : La Boîte de Pandore ?
Ah, les tests ADN ! Ces petites fioles de salive qui promettent de nous révéler nos origines lointaines et de nous connecter à des cousins inconnus… Le rêve du généalogiste moderne ! Mais derrière ce rêve, il y a une réalité complexe, entre législation stricte et découvertes parfois… décevantes.
La législation sur les tests ADN récréatifs
C’est là que ça devient un peu schizophrène, surtout pour nous, Français ! En France : Le Code civil est clair comme de l’eau de roche, et la loi de 2011 sur la bioéthique enfonce le clou : les tests génétiques à des fins récréatives ou généalogiques sont tout simplement interdits. Pas le droit de commander un kit sur internet pour savoir si vous avez des ancêtres vikings ou gaulois. La loi vise la réalisation du test sur le sol français, et elle prévoit des amendes. Oui, vous avez bien lu : illégal en France.
La Belgique est peut-être le pays de la bière, des frites etc mais c’est aussi celui des tests ADN légaux ! Nos voisins belges sont beaucoup plus permissifs. Les entreprises de tests génétiques ont pignon sur rue. Donc, si vous êtes en Belgique, pas de souci, vous pouvez cracher dans la fiole sans risquer l’amende.
En Suisse : La situation est un peu plus nuancée. La loi suisse autorise les tests de filiation (pour prouver un lien de parenté, par exemple), mais le cadre pour les tests purement “récréatifs” est moins clair. Il faut toujours vérifier la législation fédérale et cantonale. Bref, pour nos amis suisses, un petit coup de fil aux autorités compétentes avant de se lancer, c’est toujours mieux !
Mais attention, les entreprises qui vendent sur Internet des tests ADN à but généalogique (entre autres) ne sont pas européennes, et l’accès à vos données personnelles dont on parlait tout à l’heure, détaillées dans les petites lignes qu’on a toujours tendance à ne pas lire, est fort peu clair. L’émission Théma sur Arte, a diffusé récemment un film d’Olivier Toscer sur les tests ADN grand public, et le spectateur découvre la complexité des procédures d’effacement des données personnelles. Il semble bien que cela soit presque impossible, en raison des buts commerciaux de ces sociétés.

Les enjeux éthiques liés à la découverte de secrets de famille et aux implications pour les personnes concernées
C’est le côté “boîte de Pandore” des tests ADN. Quand on ouvre, on ne sait jamais ce qui va en sortir ! Et parfois, ce ne sont pas juste des cousins lointains, mais des révélations qui peuvent bouleverser des vies. Et parfois à tord, en raison de faux positifs, c’est décevant sur le plan de la généalogie (laquelle de mes grand-mères dois-je soupçonner d’avoir eu un enfant avec un italien alors que tous mes ancêtres sont supposés être originaires du nord de la France et de Paris ? En réalité, les méthodes de détermination des résultats ne sont pas vraiment scientifiques, les sociétés en question ne souhaitant pas dépenser d’argent sur des objectifs généalogiques. Les résultats sont donc aléatoires, comme les mesures. Et j’ai bien compris qu’il était inutile de retrouver le maillon italien parmi mes ancêtres proches.)
Mais cela est encore plus décevant, voire dommageable, quand des clients obtiennent de faux positifs sur des gènes qui indiquent des défaillances graves de santé probables chez leur porteurs. C’est au-delà de la généalogie, bien sûr… Il y a des révélations potentiellement graves parmi les résultats de ces tests dit récréatifs, comme les risques élevés de maladies graves, la présence d’un variant de gène problèmatique, des NPE (Non-Paternité / Non-Maternité : La découverte que celui ou celle que l’on pensait être notre père/mère biologique ne l’est pas. Imaginez le choc !), etc Des vies entières peuvent être remises en question.
Il y a aussi des adoptions secrètes : Des histoires d’adoption gardées sous silence pendant des décennies peuvent être révélées par un simple match ADN.
Ou des Demi-frères/sœurs inconnus : On découvre un lien de parenté inattendu qui change la donne familiale.
Ces révélations, même si elles apportent des “réponses”, peuvent être de véritables bombes psychologiques. L’éthique ici est capitale : comment aborder ces découvertes ? Faut-il les partager, et avec qui ? Avant de publier la photo de votre nouveau “demi-cousin” sur Facebook, réfléchissez aux conséquences pour toutes les parties. Le respect de la vie privée et de la sensibilité des autres est plus que jamais essentiel.
Et puis, la question des données génétiques est énorme. Ces entreprises stockent des informations ultra-sensibles. Lisez bien leurs politiques de confidentialité ! Comment vos données sont-elles utilisées ? Partagées avec des laboratoires pharmaceutiques ? Vendues à des assurances ? Probablement… Posez-vous la question, car une fois votre ADN dans la machine, c’est un peu comme une carte de crédit : elle peut servir à d’autres !
Retrouver ses origines, parfois...
C’est le cas de Nathalie, qui à 58 ans, a vu sa vie prendre un tournant inattendu grâce à un test ADN. Élevée comme enfant unique par ses parents adoptifs, Nathalie a eu une enfance heureuse et n’avait jamais cherché sa famille biologique.
C’est sa fille, Sarah, curieuse de leurs origines, qui a initié la démarche en effectuant un test ADN. Le résultat ? La découverte d’une sœur biologique de Nathalie. Ce lien a révélé l’existence de sept frères et sœurs biologiques pour Nathalie.
Bien que leur mère soit décédée et que Nathalie ne l’ait jamais connue, les frères et sœurs, dispersés dans le monde, se retrouvent régulièrement en visio. Malgré l’absence de réponses sur les circonstances de son adoption, Nathalie n’éprouve aucun ressentiment, convaincue que c’était un acte d’amour. Cette découverte inattendue est une source de grand bonheur pour elle. Une belle illustration du pouvoir des tests ADN de révéler des liens familiaux et d’apporter des réponses inespérées dans certains cas.
Je tenais à vous prévenir : ces tests sont puissants et peuvent révéler des choses inattendues. Abordez-les avec prudence et préparez-vous à tout !
Ce témoignage qui nous rappelle que derrière chaque chiffre et chaque nom, il y a des histoires humaines, parfois complexes et douloureuses. où que l’on soit, la découverte peut être la même, avec les mêmes implications émotionnelles et familiales. La prudence et le respect de la vie privée de chacun sont, plus que jamais, les maîtres mots.

Naviguer avec responsabilité dans le monde de la généalogie numérique
La généalogie numérique, c’est une aventure passionnante, une quête de nos racines qui nous connecte au passé. Mais comme toute bonne aventure, elle demande de la responsabilité. Protéger la vie privée des vivants, respecter la mémoire des défunts, utiliser les images d’archives en toute légalité et gérer les découvertes ADN avec tact… Ce sont les piliers d’une pratique de la généalogie éclairée et éthique.
Alors, la prochaine fois que vous ajouterez une personne à votre arbre ou que vous partagerez un acte, prenez une petite pause. Respirez. Et demandez-vous : est-ce que mes activités généalogiques respectent bien les règles du jeu ? Parce qu’au-delà des lois, c’est aussi une question de respect humain. Et ça, c’est très important, et c’est cela que je veux transmettre à mes enfants…
6 réponses
Madame, Monsieur,
Pour ma part je trouve vos articles toujours pertinents et très utiles car en effet la généalogie est un sujet délicat.
Merci pour tous vos articles de vulgarisation et de mise en garde ou de recherches historiques qui ont le mérite, souvent, de remettre les “pendules à l’heure” !!
Merci Anne Noëlle de tirer le système d’alarme. Il faut rester dans la réalité et la légalité, tout en respectant la vie privée des gens et parfois leurs secrets. Un article tout à fait indispensable.
Très bien de rappeler ces notions
Merci pour ce rappel.
Je me contente de mettre les dates et les lieux des événements principaux : Naissance, pacs, mariage, divorce, séparation et décès.
Ce n’est pas pour cela que je ne m’intéresse pas aux événements personnels, que je ne publie pas.
Prudence, d’autant qu’une partie des fichiers ADN du site 23andme a été piratée et est en vente sur le dark ; cela devait inévitablement arriver.
Merci Anne Noëlle